Je revois la chambre une chambre n’importe quelle chambre pas
N’importe quelle mais celle-
Ci je ne sais où je ne sais quand mais
Celle-ci dans un hôpital sombre à la campagne où les arbres
Aveuglent la fenêtre verts et noirs une
Chambre où tout est poussière passé nuit rient
Ne tient sur ses pieds les chaises ni
La table de toilette un guéridon le tapis de travers
Et le haut lit d’édredons passés avec la couverture blanche
Sa frange aux pompons arrachés
Comme nous l’avons du moins je l’ai cette chambre
Aimée
Quand donc quel siècle quelle année
Tout comme une horloge immobile on peut en dire l’heure et la minute mais
Quel siècle quelle saison
Sait-on bien
Tes chaussures près d’un fauteuil inquiètes
Le linge à terre glissé
Tout n’est plus qu’un murmure énorme à la limite d’être
Une fatigue folle et douce au bord de dormir
Quelqu’un parle au dehors et c’est là le silence
Peut-être un jour peut-être j’ai pensé peut-être
Nous nous ressouviendrons de cette chambre ailleurs
N’importe où mon amour hors du monde
J’ai pensé nous nous ressouviendrons Dans une ville de
Clameurs Au bord d’un plage oú la mer lentement meurt
Dans un pays de violent soleil sur des carreaux rouges
Quelque part en Allemagne ou dans ce pays de statues
A la limite des fôrets J’ai pensé
Et voilà qu’aujourd’hui je sens à nouveau cette chute
Au profond du lit ancien d’un pierre et très loin
Le cri
Les Chambres, Louis Aragon
No hay comentarios:
Publicar un comentario